Le jeune Ezra se préparait pour le bal masqué auquel il avait été invité. En effet, ses parents, de riches sorciers influents dans la communauté magique, étaient de toutes les mondanités, et leur fils unique y était généralement également convié. Cela ne l'enchantait pas du tout, mais il semblait avoir certaines obligations auxquelles il ne pouvait pas échapper, selon ses parents. Malgré qu'il soit un adulte affirmé, du haut de ses 24 ans, il ne coupait pas à ce genre d'ordres plus souvent paternels que maternels. Il faut dire qu'il n'avait pas non plus la personnalité pour rouspéter ou se rebeller.
Ezra était un garçon de nature très timide. Effacé et discret, il préférait de loin se fondre dans la masse plutôt que de se faire remarquer, c'est pourquoi il était plutôt solitaire. Son physique avantageux avait entrainé de nombreuses filles à venir le voir, le draguer ou essayer de le séduire, mais elles avaient toutes été déçues par le manque de répondant du jeune homme. Oh ce n'est pas qu'elles ne lui plaisaient pas, au contraire, mais il avait toujours été trop timide pour s'aventurer plus loin. Seul l'alcool avait réussi à l'emmener au-delà quelques fois et sa vie amoureuse n'était donc parsemée que de petites aventures d'un soir, le lendemain apportant son lot d'embarras et de fuite. Un fait dont son cousin Seth s'amusait beaucoup.

Ezra n'avait vraiment aucune envie de se rendre à cette mondanité où il allait s'ennuyer à coup sûr. Il ne connaissait personne, et ne serait entouré que de vieux barbants à qui il n'oserait pas mettre une claque pour les remettre à leur place. Il n'y parvenait pas avec ses propres parents, il ne fallait pas espérer y arriver avec des étrangers.
Il enfila donc son costume de soirée, essayant de ressembler vaguement à quelque chose même si, peu importe comment il le mettait, il se trouvait totalement ridicule. L'avantage, pour une fois, c'était que le bal était masqué, et qu'il n'aurait pas à faire bonne figure comme il devait le faire à visage découvert. Cette fois, il serait un peu plus à l'aise, caché derrière ce masque, et peut-être même qu'il oserait aller vers les rares personnes de son âge qui s'y trouveraient. Revigoré par cette idée, il émit un léger sourire au moment même où sa mère venait vérifier qu'il était prêt.

« Oh Ezra chéri, tu es adorable ! Magnifique. Attends un peu que je t'arrange ça... »

Il aurait été présomptueux d'espérer qu'elle n'aurait pas son mot à dire, ou sa touche à remettre. Sa mère était d'un perfectionnisme exaspérant et totalement hors de contrôle. Le contrôle, il fallait d'ailleurs qu'elle l'ait sur tout, origine sans doute de la timidité de son fils unique, à qui elle avait donné cette image de la perfection et du contrôle tellement souvent et de manière si stricte qu'il n'avait jamais pu développer sa vraie personnalité. Cette dernière avait été étouffée sous le contrôle des apparences, sous le qu'en dira-t-on. Ezra n'avait jamais pu être lui-même.

Sa mère remit sa chemise en place, ajusta son col et lui donna une petite tape sur la joue comme s'il avait encore 5 ans. Ezra réprima un soupir et se laissa faire sans rien dire.

« Chéri, où est ton masque ? Tu n'as pas oublié d'aller le chercher j'espère ? »
« Non maman, il est là, sur le meuble. »

Sa mère se précipita pour s'en emparer avant même qu'il ait pu faire un pas et le lui porta. Elle lui mit elle-même devant les yeux et lui attacha derrière la tête. Son père fit alors son apparition dans la pièce, et aussitôt, sa mère se retira sur le côté pour laisser place à son époux. Le père d'Ezra avait une allure imposante, non par un quelconque surpoids, mais par son charisme et sa présence impressionnante dès qu'il entrait dans une pièce. C'était un homme qui savait ce qu'il voulait et qui mettait toujours tout en œuvre pour l'obtenir, quel qu'en soit le prix. Un prix qu'Ezra paya très certainement, n'ayant jamais été dans les priorités de son père aussitôt que celui-ci eut constaté son caractère effacé. Le père d'Ezra n'accordait pas beaucoup d'importance aux valeurs familiales, en revanche il en accordait énormément aux apparences.

La personnalité de ses parents expliquait sans doute pourquoi Ezra n'avait jamais osé s'affirmer, face à eux, mais aussi face aux autres. Au fond de lui-même, il avait bien souvent envie de crier, de hurler, de se rebeller. Mais il ne l'avait jamais fait. Il était ainsi mal dans sa peau, et peu à l'aise avec lui-même, parce qu'il n'avait jamais été ce que ses parents auraient voulu qu'ils soient. Il savait être une déception pour eux, et au lieu de se battre pour leur prouver le contraire, il s'était renfermé sur lui-même.

« Eh bien... sous ce masque, tu feras sans doute ma fierté ! Comporte-toi bien ce soir, Ezra » se contenta d'ajouter son père, avant de s'éclipser à nouveau. Sa mère lui lança un faible sourire puis disparut elle aussi.

Une fois arrivé au bal, l'enthousiasme du jeune homme avait disparu, grâce à ses géniteurs. Il s'éclipsa rapidement vers la table des boissons et en commanda une, lorsqu'il aperçut une silhouette agréable à l'autre extrémité de la longue table. Son regard fut irrémédiablement attiré par la jeune femme cachée sous son masque. Elle semblait ravissante, pour ce qu'il en voyait, et il avait l'irrésistible envie d'en voir plus. Malheureusement, il n'avait pas la moindre idée sur la façon de s'y prendre, et il se contenta de s'approcher bizarrement.
On ne lui apprenait pas ça, à Hangleton, à l'université où il avait difficilement commencé des études pour être Auror (encore une déception pour ses parents qui auraient rêvé de le voir travailler au ministère derrière un bureau), et ce n'est pas la disparition récente du directeur qui allait y changer quelque chose.

Sans comprendre pourquoi, Ezra repensa à son examen d'entrée pour entreprendre ses études, où l'épreuve consistait à attraper un mage noir ou tout ce qui pouvait s'en approcher. On n'attendait bien sûr pas d'eux qu'ils y parviennent, et c'est la raison pour laquelle il avait pu entamer le cursus, mais son examinateur s'était largement moqué de lui quand il avait vu le « butin » qu'Ezra lui ramenait : une jeune femme qui faisait en douce un marché d'objets de magie noire... En fait, c'était surtout à la femme en question qu'il était en train de repenser, tout en observant celle à la table. Elle l'avait tout simplement fasciné.

Elena bailla aux corneilles. Elle détestait ce genre de matin où rien n'arrivait à la faire émerger, encore moins la brume qui avait envahi Great Hangleton dans la nuit. Et puis, il fallait avouer que ses vendredis soirs étaient généralement bien chargés – elle faisait son meilleur chiffre à ce moment là – et elle ne rentrait qu'en milieu de nuit chez elle. Elle renifla consciencieusement son café-choco-substance inconnue-quelque chose que lui servait le vieux barman dans le café qui faisait le coin de la rue de son appartement. Elle venait ici avant d'aller à Gringotts parfois, même si elle y passait tous les samedis. La journée s'annonçait chargée et Elena désespérait d'avance. Trop de choses à faire, pas assez de temps. Trop de choses à penser, pas assez de place dans sa tête. Trop de choses qu'elle n'avait pas envie de faire, trop d'obligations. Elena passa un certain à regarder le contenu de son gobelet bouillant dans le blanc des yeux. Si on peut dire.
« Alors ma p'tite mam'zelle, ça sent pas la grande forme c'matin! » lui dit le barman de son sourire édenté.
Elena soupira et but une gorgée de son mélange spécial aux origines douteuses.
« Je connais bien un remède à ça, mais il me semble qu'il est trop tôt pour de l'alcool » lançat-elle platement.
Il rit et lui répondit quelque chose comme quoi elle avait bien raison, plus un compliment sur ses jolis yeux et Elena sentit qu'il était temps de mettre les voiles. Elle rejoignit la Grand Rue qui était déserte pour l'instant. Et malgré la fatigue, malgré que sa vie n'était ce qu'elle aurait souhaité, Elena sentit l'excitation monter en elle. Ce soir, ici à Hangleton, se tiendrait un bal masqué où une partie de la « haute » de la ville viendrait, et aussi un peu du « petit monde » de Londres. Une perte de temps selon Elena mais cela lui donnait au moins l'occasion de travailler honnêtement pour une fois et de faire quelque chose pour laquelle elle était douée : les dragons. Même si on ne pouvait jamais espérer vraiment les dresser d'une quelconque manière, Elena avait de bons résultats avec les espèces les plus dociles et c'était ce pourquoi on l'avait engagé ce soir. Là était tout l'intérêt et le paradoxe du spectacle qu'on lui avait demandé de donner : les dragons n'étaient pas censés obéir, et même avec un dresseur qu'ils considéraient comme leur mère, il y avait toujours un risque que tout dérape. Le goût du risque sans doute.

Un hibou vint se poser sur son épaule, l'air apparemment courroucé par le fait qu'elle n'était pas chez elle, endroit dans lequel il aurait dû la trouver à cette heure-là. Elena détacha la Gazette du Sorcier de sa patte et chercha une noise dans la poche de sa veste qu'elle lui tendit, coincée entre le bout de deux doigts.
« Franchement... j'en ai marre que tu me suives partout. »
Le hibou ébouriffa ses plumes, prit la pièce d'un de bec et s'envolant dans toute sa dignité offensée.
« Caractère de m... » marmonna Elena avant de reprendre sa route. Elle fit un saut à son appartement pour déposer son journal et récupérer son vieux balais volant. Il était loin d'être une merveille, mais il volait toujours et avec l'état actuel de ses finances, elle ne pouvait pas espérer grand chose. Elle avait dû vendre le balais de ses années de Quidditch l'an passé et elle regrettait son bout de branche comme jamais. Il avait été son « compagnon » de Quidditch quand elle jouait pour Gryffondor.

La jeune femme rejoignit la rue et alla jusqu'à la bordure de la ville la plus proche avant de l'enfourcher. Un petit sort de Désillusion plus tard et elle fendait l'air froid d'un samedi matin de septembre brumeux. Les minutes s'écoulèrent mais sa vision ne s'améliora pas. Elena se stabilisa dans les airs, puis sortit sa baguette. Elle marmonna une formule, sa baguette se souleva de quelques millimètres au-dessus de sa main, pointant un point dans la brume. Elena reprit son chemin dans la direction indiquée et arriva bientôt en vue d'un bosquet. La jeune femme atterrit et y entra à pieds, le balais sur l'épaule.
« Hey, Elena! »
Cette dernière tourna la tête vers la femme qui l'avait appelé.
« Gartula! Comment va? »
« Ça va, ça va! Viens il faut que je te montre tes petits protégés de ce soir! »
Gartula emmena Elena vers un des petits enclos du Parc privé GHD, autrement dit Great Hangleton's Dragons. Elle ne lui laissa pas beaucoup de répit, prit son balais des mains, le laissa quelque part, lui parla sans discontinuer de sa fierté de voir ses dragons à la soirée masquée. Elena avait l'habitude de venir donner un coup de main aux propriétaires du GHD quand elle avait du temps le week-end. Ils n'était que deux, elle et son mari, et cela permettait à Elena d'être autre chose qu'une soigneuse de dragons pour ses détestables et cruels employeurs. Et qu'une receleuse aussi...
« Tu vas voir, Ostein à bien progresser depuis la dernière fois... » dit-elle en lui attrapant le bras et en l'attirant à l'intérieur de l'enclos.

Elena ferma la porte du camion, anciennement d'origine moldue, par une chaîne enchantée puis vint s'asseoir à côté de Natunsko, le mari de Gartula. Elena ne savait pas vraiment de quel pays il venait pour avoir un prénom pareil mais elle s'était abstenue de lui poser la question, d'autant qu'elle avait beau l'apprécier, elle ne comprenait pas grand chose à son anglais. Leur arrivée à Great Hangleton se fit dans la discrétion la plus totale, alors que les rues avaient considérablement été investies par les sorciers résidents, plus ceux qui espéraient voir quelque chose de la soirée qui se préparait sans y être conviés. Elena avait passé une partie de la journée à travailler avec Ostein, Kaly et Nistel, les trois dragons qui devaient assurer le show de ce soir. La jeune femme appréciait particulièrement ces trois là, hormis le fait qu'elle les avait vu naître et les avaient élevés, ils étaient un peu fougueux mais gentils à leur façon, et assez dociles dans l'ensemble. Ostein et Kaly faisaient partis d'espèces qui ne dépassaient pas les deux mètres d'envergure à l'âge adulte, une taille adaptée aux paysages montagneux et abruptes dans lesquelles ils vivaient habituellement. Nistel, quant à lui, resterait minuscule, pas plus de 50 centimètres ailes déployées. En une demi-heure, Natunsko et Elena firent entrer les trois bestioles dans la cour arrière du domaine où se tenait la réception dans un espace couvert qui donnait dans la grande salle de bal par une porte agrandit – la salle et la porte étant sans doute magiquement modifiées pour l'occasion.

La jeune femme laissa Natunsko superviser le tout tant dit qu'elle retourna à son appartement. Si Gartula lui avait demandé d'assurer le spectacle de ce soir, c'était la même raison pour laquelle Burtellos la chérissait tant. Elle était jolie, et tout deux étaient convaincus que c'était un atout non négligeable. Elena le pensait aussi même si elle n'aimait pas franchement servir de joli faire-valoir. On ne pouvait pas dire que Gartula était une jolie femme, plus maintenant en tout cas, elle avait donc demandé à Elena de la remplacer. L'une était payée pour la marchandise, l'autre pour la prestation.
Fait exceptionnel ce jour-là, elle n'eut pas à soigner une quelconque blessure ou ne serait-ce qu'une trace de brûlure et put donc prendre une douche bien méritée sans attendre. Elena mit des vêtements neutres puis alla chercher dans son armoire la robe qu'elle mettrait ce soir. Elle n'avait pas les moyens de se payer une robe pareille, alors elle avait demandé de l'aide à une petite elfe de maison qui officiait toujours dans l'université d'Hangleton et qu'elle adorait. Plula avait bien voulu lui coudre quelque chose pour la soirée et le résultat était à la hauteur de la gentillesse de l'elfe de maison : grandiose. Au moins aux yeux d'Elena. Elle avait quand même dû s'acheter un masque pour l'occasion dans le tons vert émeraude et doré pour qu'il soit en accord avec sa robe.

Elena regarda la salle de bal se remplir, le trac à ses trousses. Elle entendit Natunsko murmurait non loin d'elle, et elle comprit quelque chose comme « tu es très belle, Elena! ». Elle lui sourit en retour, et même si ce compliment venait d'un petit vieux qui l'adorait pour l'aide qu'elle apportait dans son Parc, elle en fut touchée, d'autant que les compliments sincères et sans arrières pensées étaient devenus rares ces dernières années. La jeune femme tourna sur elle-même :
« Il n'y a rien qui cloche? »
« No, no, tou es parrrfète! »
Elena avait demandé une robe bustier très courte, vert foncé, à Plula – après tout, elle faisait aussi partie du spectacle – qui mettait en valeur ce qu'elle pouvait considérer comme ses atouts : ses jambes, son teint légèrement hâlé. Elle avait assorti sa robe d'une paire de chaussures à talons vertigineux et d'une énorme bague en forme de papillon qu'elle avait pris soin d'ensorceler.
La jeune femme mit son masque, passa une robe de sorcière plus neutre sur ses épaules pour cacher sa tenue et entra dans la salle. Elle fit le tour, observa qui était là ou non. Elle songea avec soulagement que c'était une idée grandiose d'avoir fait un bal masqué, il y avait un certain nombres de personnes à qui elle avait racheté quelque objets par-ci par-là... Elena sortit de sa contemplation lorsqu'elle vit un homme s'approcher d'elle. Que voulait-il? Sa silhouette et sa démarche lui rappelait bien quelqu'un, mais qui? Ses yeux clairs et la ligne de sa mâchoire lui disait bien quelque chose... Il lui faisait penser à ce jeune Auror qui l'avait prise la main dans le sac quelques semaines plus tôt. Mais franchement, que ferait un fils de bourgeois en Auror, au lieu d'avoir les coudes sur un bureau ministériel? Non, ce n'était pas lui. Sûrement pas.

Son allure lui plaisait, c'était sans nul doute. Les masques révélaient-ils peut-être leur audace ce soir-là, en tout cas, Elena fit les derniers pas qui les séparaient, pleine d'une légèreté qu'elle ne se permettait généralement pas, et s'arrêta devant le jeune homme en souriant. Elle désigna la piste de danse un peu plus loin d'un signe de tête et saisit doucement la manche de son costume, l'entraînant à sa suite. Ils se mêlèrent à la foule encore lente en ce début de soirée.
« C'est drôle, j'ai l'impression de vous avoir déjà rencontré. Mais je ne suis pas habituée à ce genre de soirée pourtant »
Ils continuèrent à danser tout en discutant. Elena trouva le jeune homme fort intéressant même si il était un peu réservé, bien que cela lui donnât du charme au lieu de le desservir.
« Vous dansez bien, ça faisait longtemps que je n'avais pas eu de cavalier qui ne me marche pas sur les pieds! Depuis le bal de promo de l'université en fait! » dit-elle pour plaisanter « Cependant, je vais devoir vous quittez, j'ai quelque chose à faire... »
Elena détacha sa main de la sienne et s'inclina dans une courbette théâtrale avant de s'éclipser. Elle rejoignit l'arrière salle et enleva la robe de sorcière qui recouvrait sa vraie robe de soirée.
« Nistel, mon écaille en sucre, viens ici... » chuchota-t-elle à l'attention du plus petit des dragons.

La scène installée dans un des angles de la salle était plongée dans la pénombre et Elena pouvait observer Nistel tourner autour de la foule qui remarquait petit à petit le minuscule dragon tourner en hauteur. Il fallut encore quelques minutes pour que tout le monde le remarquât, et l'exclamation de la foule alla croissante. Elena s'avança sur le milieu de la scène et émit un long sifflement. Les spectateurs cherchèrent en vain la source du bruit mais le dragon se dirigea vers elle. D'un coup de baguette magique, Elena alluma la scène d'une lueur surnaturelle et Nistel vint se poser sur son bras. La jeune femme s'inclina devant le public qui applaudissait son entrée, puis leva le bras d'où le petit dragon s'envola et stagna au-dessus de sa tête. L'orchestre s'était tu, et un court silence s'installa. Puis Elena leva les mains dans un geste lent, captant l'attention de l'assemblée. Elle claqua deux fois dans ses mains, l'orchestre reprit alors que les deux autres dragons entraient dans la salle. C'était parti.

La jeune femme qui fascinait Ezra semblait se prendre au jeu, et fit les quelques pas que le jeune homme n'avait osé franchir. Certes, il était de façon incompréhensible attiré par elle, mais sa timidité et sa retenue n'avaient pas pour autant disparu, et il n'avait pas été capable d'aller à sa rencontre. C'est donc elle qui fit le dernier pas, et s'approcha à son tour de lui. Ezra la regarda intensément, sous son masque, détaillant les quelques traits qu'il avait la chance de voir. La courbe de son visage était douce, ses yeux semblaient perçants, et sa longue chevelure lui donnait un air assuré autant que diablement féminin. Sa tenue, en revanche, était très simple, ne laissant que trop peu voir sa silhouette. Au vu de son masque et de sa coiffure, Ezra s'était attendu à quelque chose de plus provoquant, de plus éblouissant, mais elle portait une simple robe de sorcier. Qu'importe, l'habit ne fait pas le moine, et le jeune homme était terriblement bien placé pour le savoir... sa tenue n'en disait que peu sur sa véritable personnalité, sans compter sa carapace qu'il maintenait habilement en place pour ne pas souffrir, bien malgré lui.

Quelle ne fut pas sa surprise, cependant qu'il était saisit par le beau sourire qu'elle lui lançait, lorsqu'elle le saisit par la manche pour l'emmener danser. Il ne savait pas faire un pas de danse, il était très peu doué à cet exercice et ne manqua pas de le démontrer rapidement. Ses pieds s'emmêlèrent, et il trébucha tandis qu'elle l'emmenait. Son corps se raidit et il ne parvint pas à se détendre, angoissé de paraitre ridicule et encore plus à l'idée de lui déplaire. Il aurait fui pour ne pas commettre d'impair, s'il avait pu, quitte à justement foutre toutes ses chances en l'air, mais c'était son mode opératoire : il se privait de choses dont il mourait d'envie, quitte à ce qu'elles lui passent sous le nez, rien que pour ne pas les saccager. Mais elle le tenait, et essayait tant bien que mal de danser avec lui.
Elle prit la parole, disant qu'elle avait l'impression de le connaitre, et cela fit battre son cœur. Quelle coïncidence ! Lui aussi avait l'impression de la connaitre, pourtant il ne parvenait pas à déterminer qui elle était... Était-il possible qu'elle soit cette fameuse jeune femme qu'il avait « arrêtée »... puis relâchée sous les moqueries ? Cela ne se pouvait... pourtant, à présent il était pris de panique... qu'allait-il lui dire, si c'était elle ?

Avant même qu'il n'ait pu se retenir, il lança bêtement : « Je ne porte pourtant pas souvent de masque, ça m'étonnerait que vous m'ayez donc déjà vu... »

Abasourdi par sa propre bêtise, il se tut tandis qu'elle riait, il était à présent si mal à l'aise qu'il en oublia qu'il ne savait pas danser, et cette soudaine légèreté concernant la danse fit de lui un meilleur danseur. Elle le complimenta à ce sujet, à son grand étonnement, mais il l'oublia rapidement lorsqu'il se rendit compte qu'elle devait sûrement se moquer de lui. Il interpréta mal sa révérence lorsqu'elle le quitta, et se dit qu'elle devait sûrement s'ennuyer à mourir. Elle lui dit qu'elle avait quelque chose à faire, mais cette excuse sonna faux à ses oreilles.
Pourtant...

Les lumières s'éteignirent, et le vol d'un animal se fit doucement entendre. Les têtes se levèrent une à une, cherchant l'origine du bruit, jusqu'à ce qu'un sifflement retentisse. Quelques minutes plus tard, la salle était envahie de trois dragons et la belle demoiselle qui lui avait accordé une danse quelques instants plus tôt se trouvait au centre de la lumière, donnant un spectacle qui rendit Ezra admiratif. Il venait de danser avec la dresseuse de dragons, et sa robe était comme il l'avait imaginée sur elle : magnifique.
Le jeune homme assista au spectacle avec enthousiasme, essayant d'oublier la boule dans son estomac qui lui rappelait qu'elle lui plaisait un peu trop, qu'il l'avait arrêtée quelques semaines plus tôt, qu'elle était donc une vendeuse d'objets de magie noire, qu'elle dressait des dragons et qu'il avait dansé avec elle. Lui, et pas un autre. Autant dire qu'il n'y parvint pas franchement. Tout à ses pensées obscures, il mit quelques instants avant de réaliser que quelque chose n'allait pas. L'agitation dans la foule le sortit toutefois de ses rêveries, et il constata le méli-mélo qui était en train de se produire. Instinctivement, il repéra l'origine du bazar, au fond de la salle, avant même que le dragon ne lance une énorme gerbe de flammes. La foule se mit à crier et à se répartir dans tous les sens, les uns se bousculant, les autres courant pour sortir.
Ezra ne réfléchit plus à cet instant, et bondit en direction du fauteur de troubles, lorsqu'il constata qu'ils étaient plusieurs et tentaient de voler un dragon. Ces animaux, surtout dressés, étaient rares et valaient donc beaucoup d'argent. La salle de fête n'était plus qu'un endroit de crainte, et le jeune homme eut toutes les peines du monde à atteindre l'autre bout. Lorsqu'enfin il y parvint, il sortit sa baguette, il n'était évidemment pas le seul, et une bagarre éclata rapidement. Des jets de lumière verte et rouge jaillirent dans tous les sens. Les malfaiteurs étaient au nombre de trois, il était seul...

Toutefois, il constata rapidement que des jets s'étaient mêlés aux siens pour défendre les bêtes, qui ne cessaient de cracher du feu, rendant la tâche encore plus difficile. Lorsqu'il se retourna, Ezra vit la jeune femme à ses côtés, se battant pour ses petits protégés. Il arracha son masque afin de mieux voir et crut voir sur le visage de la belle un air de surprise, qui ne dura pas tant ils étaient occupés dans leur tâche.

Ezra parvint à maîtriser l'un des voleurs, la jeune femme mit à terre un second. Le troisième, voyant qu'il était à présent en minorité, tenta de fuir et, le jeune homme courut à sa poursuite. Il ne laisserait pas cette ignoble personne s'en tirer. Lorsqu'il s'agissait de son futur métier, Ezra n'était plus le jeune homme timide, mais l'homme courageux qu'il enfouissait si souvent au fond de lui-même. Ce voleur, il allait l'avoir, quoi qu'il en coûte. Car ce soir, il y avait une motivation accrue par un autre bénéfice...

Elle avait vu une pointe de scepticisme sur la bouche du jeune homme, seule partie du visage entièrement apparente. Certes, son excuse n'était pas des plus convaincantes, surtout qu'elle ne lui avait pas dit qu'elle était là pour travailler, et non comme invitée. Mais malgré le bon moment qu'elle avait passé à danser avec lui, il était temps pour elle de s'occuper de ses obligations qui pour une fois, n'étaient pas des plus désagréables. Natunsko l'encouragea avant qu'elle entrât en scène d'une tape sur l'épaule.
Elena, toute à son bonheur, mit plusieurs dizaines de secondes avant de se rendre compte que quelque chose n'allait pas. Nistel était toujours sur son épaule et Kaly dans les airs, toujours sous le commandement de la dresseuse. Avant de savoir exactement quel était le problème, Elena siffla une nouvelle fois avant de crier un ordre en un vieux gallois, langue dans laquelle elle dressait. Elle ne savait pas encore qui elle mettait en sécurité à ce moment-là, le public ou ses protégés. Les deux dragons encore en liberté filèrent vers elle et s'engouffrèrent dans l'ouverture qui menait à l'arrière salle. Elena ensorcela l'ouverture d'une barrière magique, censée empêcher intrusion et tentative de fuite.

Une gerbe de feu de brûlant illumina le coin opposé de la salle.
« Ostein! » cria vainement la jeune femme avant de s'engouffrer dans la foule.
Elle craignait que le dragon ait perdu le contrôle, mais heureusement – ou malheureusement – pour elle, ce n'était pas de cela dont il était question. Il lui était difficile d'avancer, toutes les personnes présentes tentées de s'échapper, ou au moins s'éloigner le plus possible de ce coin de salle où Elena ne savait pas ce qu'il s'y passait, la bousculant et l'empêchant d'avancer, alors qu'il était primordial qu'elle soit sur les lieux.
Encore dix mètres, cinq mètres... Et elle se rendit compte du danger de la situation : plusieurs hommes essayaient de maîtriser Ostein, au mépris des dégâts que le dragon et eux-mêmes pouvaient causer à la foule. Elena sentit un élan de rage monter et en elle et elle arracha son masque tout en jetant son premier sort d'entrave. Elle ne les laisserait pas voler son protégé, ce dragon qu'elle avait élevé comme si il lui appartenait vraiment. Cette haine qui pulsait le long de sa colonne vertébrale ne la desservit pas et lui accorda même un contrôle d'elle-même froid et maîtrisé.

Au bout de quelques dizaines de secondes d'échanges de sortilèges, Elena se rendit compte que le jeune homme avec qui elle avait dansé quelques minutes plus tôt était là lui aussi. Elle ressentit une immense gratitude pour cet homme qui défendait ce à quoi elle tenait, même si ce n'était certainement pas pour lui faire plaisir à elle en particulier. Il ôta son masque comme elle l'avait fait plus tôt, et la surprise la saisit. C'était lui! Lui, cet apprenti Auror... Un sortilège la rata de peu et cela la détourna du visage aux yeux clairs du jeune homme. Même si son esprit était occupé par le combat en cours, un petit coin de sa conscience regretta vraiment de l'avoir rencontré dans de telles circonstances : la première fois alors qu'elle faisait ce petit travail qu'elle méprisait tant et cette fois-ci, à devoir se défendre corps et baguettes contre des mages noirs... dont elle faisait à moitié partie par obligation.
A eux deux, ils parvinrent à maîtriser deux et des trois hommes. Elena arracha le masque qui recouvrait le visage de l'homme qu'elle avait stupéfixié et ligoté. Elle ne fut pas surprise de reconnaître son visage, il était un trafiquant connu dans les rues sombres des Chemins de Traverse d'Angleterre... Elle fixa ses yeux dans les siens, paniqués.
« Prie pour que mon dragon soit encore en état après ça, sinon je te jure que tu me le paieras! » cracha Elena avant de relâcher sa prise sur les cordes, laissant l'homme tomber à terre.
La jeune femme se releva et chercha frénétiquement des yeux Ostein... et aussi l'inconnu. Elle eut tout juste le temps de le voir franchir l'entrée de la salle de bal mais déjà une longue traînée de feu attira son attention.

Elena se précipita vers le dragon, paniqué et furieux, qui tentait de prendre son envol. Elle se mit devant la gueule du dragon, en espérant qu'il n'ait pas l'idée de cracher une nouvelle fois... Natunsko et elle mirent plusieurs minutes avant de calmer Ostein ; il semblait toujours méfiant et agressif, mais il ne tenait plus de s'envoler et il se tenait tranquille dans le coin de la salle à la seule condition que personne ne l'approche.
« Natunsko, je te le laisse, je reviens vite... »
L'homme allait protester, mais Elena avait déjà pris ses jambes à son cou et franchi la porte, se retrouvant dans le froid à la recherche de « son » courageux et bel inconnu. Elle tourna une fois ou deux sur elle même, guettant un signe, quelque chose qui pourrait lui dire où ils étaient partis. Sa respiration saccadée laissait échapper des nuages de vapeur de sa bouche et malgré cela, le froid ne faisait que glisser sur sa peau, ne l'atteignait pas.

Des gerbes d'étincelles dépassèrent des toits et elle partit en courant dans leur direction. Si Elena avait pensé que la soirée pouvait prendre cette tournure, jamais elle n'aurait mis des chaussures pareilles mais cela ne l'empêcha pas de rejoindre rapidement l'endroit. Elle y trouva les deux hommes, l'un ligoté, l'autre haletant. Elena se précipita vers lui, oubliant un instant de quelle façon ils s'étaient rencontrés, saisit ses épaules et se pencha vers lui :
« Vous allez bien?! » parvint-elle à dire, la respiration courte.
Puis elle se rendit compte de la situation qui lui parut étrange sur le coup et elle se troubla. Elle dit après une seconde d'hésitation :
« Euh... je veux vérifier que vous n'aviez rien, je dois retourner... »
Elle fit un geste de la main vers la direction d'où elle venait et s'en retourna d'un pas rapide.
La salle de bal était à présent vide, dragon et dresseur excepté. Elena s'approcha doucement d'Ostein et lut dans ses yeux ce qu'elle voyait tous les jours à Gringotts : de la crainte.
« Vas mettre les deux autres dans le camion, je m'occupe de lui » dit-elle à voix basse à Natunsko.

Elena leva la tête lorsque l'inconnu passa la porte de la salle. Elle ne pouvait pas soigner son « petit » ici et elle s'était contentée de créer des étincelles colorées avec sa baguette pour distraire le dragon, chose qui le distrayait depuis qu'il était petit. Elle se leva et s'approcha, un sourire sur les lèvres :
« Je vous remercie pour ce soir, sans vous, je n'aurai pas pu sauver mon dragon! »
Après une seconde de silence, elle reprit :
« Je m'appelle Elena. Et j'aimerai connaître le nom de mon bienfaiteur si ça ne le dérange pas... »

Le jeune homme avait rapidement vu que la situation dégénérait à vitesse grand V. Il fallait qu'il agisse, si ce n'est pour la jeune femme qui s'occupait des dragons, au moins en l'honneur de son futur métier. S'il ne se considérait pas comme doué ou plus capable qu'un autre, il comptait néanmoins sur l'adrénaline que toute situation dangereuse et qui lui paraissait injuste lui procurait. Depuis toujours, ce genre de situation avait réussi à faire sortir de sa coquille sa réelle personnalité, celle qu'il enfouissait dans toutes les autres situations, celle que personne ou presque ne connaissait réellement.
Et ce soir, la chance lui souriait... Il devait admettre qu'il avait rêvé de pouvoir agir de la sorte devant la belle et jolie femme qu'il avait arrêtée quelques semaines plus tôt. Bêtement, sans jamais croire que cela arriverait réellement. Et par simple besoin de se prouver qu'il était capable d'attirer l'attention d'une femme, pour une fois dans sa vie. Mais jamais il n'avait cru que cela arriverait réellement. Jamais il n'aurait osé espérer une telle chose. Son entière existence avait été teintée de timidité, de retrait et d'ombre. Pourquoi cela changerait-il pour cette femme qui était du côté des méchants à combattre ?

Bien sûr, il ne souhaitait pas cette catastrophe, ou que quiconque soit blessé – sorcier ou dragon. Mais il devait admettre que cette opportunité tombait à pic. Toutefois, il n'avait guère le temps d'y songer pour l'instant, trop concentré sur les gerbes de lumière rouge ou verte qui jaillissaient de toutes parts à son encontre, et celle de la dresseuse de dragons. Heureusement, à eux deux, ils parvinrent à maîtriser deux hommes sur trois. Celui d'Ezra avait été jeté contre un mur à la force de son sortilège et était assommé et celui de la jeune femme était stupéfixé. Ezra ne perdit pas une seconde quand il vit le troisième homme s'enfuir et courut à sa poursuite. Il était brûlé sur tout le long de son bras gauche, heureusement pas celui dont il se servait avec sa baguette. Mais il n'y prêtait même pas attention, trop afféré à attraper le voleur.

Il courut dans le froid, son souffle éreinté projetant des petits nuages de vapeur à sa suite, tandis qu'il avait le bras droit tendu, sa baguette à la main. Il avait de la chance, il faisait calme dans les rues, les gens ayant préféré se réfugier dans leur maison au lieu de risquer de rencontrer un dragon en liberté, aussi dressé soit-il. Il entendit donc les pas de celui qu'il poursuivait, et le rattrapa rapidement. Il lança un sort de stupéfixion, mais manqua sa cible, et évita de justesse un sort impardonnable que le voleur venait de lui lancer. Le cœur d'Ezra bondissait furieusement dans sa poitrine. Il avait peur, et en même temps il était incroyablement excité par la situation. Il accomplissait sa passion. Il courut encore quelques minutes, avant de lancer un autre sort, celui de Confundo, et cette fois ne rata pas sa cible, qui cessa alors de courir et regarda bêtement autour d'elle, totalement perdue. Ezra ne tarda pas à le rejoindre, et se lança sur lui, pour le mettre au sol. Il pointa sa baguette et lança le sort d'Incarcerem. Des cordes jaillirent du bout de sa baguette et ligotèrent solidement le voleur. Satisfait, Ezra se releva. Il tituba alors, réalisant soudain la faiblesse dont il était envahi suite à sa course, à sa brûlure et aux deux ou trois sortilèges qui l'avaient frôlé.

Des pas précipités se firent soudain entendre, et la jeune femme qu'il avait aidé apparut. Elle lui saisit les épaules et le regarda, affolée, lui demandant s'il allait bien. Elle parut soudain troublée et hésita avant de se justifier, disant qu'elle voulait juste vérifier qu'il n'avait rien. Il n'eut même pas le temps de répondre, qu'elle filait déjà d'où elle était venue. Légèrement troublé, lui aussi, il mit quelques secondes avant de reprendre ses esprits. Puis, il se tourna vers sa proie ligotée, qui regardait le ciel d'un air perdu.

« Waddiwasi ! » lança-t-il et le corps fila à la vitesse d'une balle de fusil vers la salle où Elena et ses dragons se trouvait. Ezra suivit la trajectoire, plus lentement toutefois, réalisant qu'il était également blessé à la cheville. Il arriva dans la salle quelques minutes plus tard, et fut accueilli par le plus beau sourire qu'il eut jamais vu. Troublé et gêné, il n'osa la regarder en face. Elle le remercia de l'avoir aidé, disant que sans lui elle n'aurait pas pu sauver son dragon, puis le silence s'installa une petite seconde avant qu'elle ne reprenne, se présentant sous le nom d'Elena – le plus beau nom qu'il eut jamais entendu – et lui demandant le sien.

Il mit quelques secondes à réagir, regardant ses pieds. Puis, il réalisa qu'elle attendait sa réponse et releva brusquement la tête, n'osant toujours pas la regarder en face.

« Euh... hum... je... jemappelleEzra » dit-il si rapidement qu'il ne comprit pas lui-même ce qu'il venait de dire. « Ezra » rajouta-t-il rapidement, avant de se détourner.

Il devait l'avouer, il n'avait qu'une envie : s'asseoir quelque part et reprendre son souffle. Il avait mal, désormais, et il avait quelques difficultés à rester debout. Il se dit qu'il faisait un bien piètre Auror, si dès l'adrénaline partie, il ne pouvait même plus tenir debout, et se renferma à nouveau sur lui-même.
Il s'en voulait. Il aurait voulu lui dire quelque chose, agir, faire un pas... mais il en était incapable.

Soudain, un grand fracas se fit entendre et des hommes pénétrèrent dans la salle. Ezra en profita pour s'éclipser sur une chaise, et les hommes se dirigèrent vers Elena.

« Qu'est-ce qui s'est passé ici ? On nous rapporte des dragons hors de contrôle ! »

Il s'agissait de Sorciers d'élite de la Brigade de Police Magique, et ils semblaient prêts à arrêter Elena. Deux d'entre eux se dirigèrent vers Ezra. En le voyant, ils rirent aux éclats.

« Encore toi ! Décidément ! Hey, Ed, tu te souviens du petit ? C'est celui qui voulait être Auror et qui a ramené à son instructeur une petite trafiquante d'objets de magie noire ! »

Les deux hommes éclatèrent à nouveau de rire, et Ezra baissa simplement la tête, ne répliquant même pas. Les autres sorciers de la Police Magique attendaient qu'Elena leur fournissent une explication logique avant de l'embarquer. L'un d'eux avait un œil plutôt appréciateur sur la jeune femme.

« Si on l'embarque, c'est moi qui m'en occupe ! » lança-t-il, en passant son doigt sur la joue de la jeune femme.
« Assez, Tom, tu pourras jouer plus tard ! » le réprimanda celui qui attendait qu'Elena parle.

Lorsqu'ils s'étaient tous deux retrouver face à face, le jeune homme avait paru troublé, mais Elena ne sut dire si cela était positif ou négatif. Il se présenta néanmoins, sans la regarder et Elena ne put s'empêcher de remettre une mèche de cheveux derrière son oreille avec un sourire gênée, plus par coquetterie qu'elle n'aurait jamais voulu l'admettre. Un bruit détourna leur attention et le jeune homme s'eclipsa tant dis que deux hommes se dirigèrent vers elle. Il était difficile de ne pas reconnaître leur uniforme : la Brigade Magique.
Elle se dirigea d'un pas plein d'une colère à peine contenue vers les sorciers de la Brigade. L'un d'eux déclara qu'ils étaient là pour une « situation dangereuse ». Elle ne lui répondit pas d'un ton ouvertement moqueur, même si elle en mourait d'envie :
« C'est trop tard, messieurs, la situation est de nouveau son contrôle »
L'un des agents lui accorda un regard un peu trop appuyé tant dis que l'autre l'interpelait, remettant sur le tapis la vieille histoire de l'arrestation d'Elena par Ezra.

Avec la fatigue et les émotions de la soirée, il ne fallut pas plus d'une seconde à Elena pour voir rouge.
« Taisez-vous! » sa voix résonna dans la salle vide « Comment osez-vous vous moquer de lui?! Pendant que vous étiez en train de boire en draguant la patronne du bar d'à côté, c'est lui qui m'a aidé! D'une, à sauver un dragon d'une tentative de vol, et de deux à protéger les gens ici-présents, et vous ne pouvez pas vous vanter d'en avoir fait autant! »
Les deux agents se regardèrent, contrits. Si ils s'imaginaient qu'il n'était pas de notoriété publique qu'ils passassent leur temps de travail à draguer la jolie patronne du bar de Great Hangleton, ils se trompaient complètement. Ils s'abstinrent de tous commentaires car ils se savaient fautifs et l'un d'eux regarda Elena de la tête aux pieds, comme si elle n'était qu'une décoration aux jolies formes. La jeune femme crut perdre son calme lorsque celui-ci passa son doigt sur sa joue. Elle rejeta brusquement la main de l'homme.
« Ne me touchez plus ou je vous gifle! »
Elle se dirigea vers le dénommé Ed après avoir jeté une œillade bien sentie au dénommé Tom.
« On vous apporte même les gens que vous cherchez sur un plateau » dit-elle en montrant du doigt les trois hommes ligotés dans un coin « vous n'avez plus qu'à les interroger, et vous verrez que je ne suis en rien coupable de ce qu'il s'est passé ce soir. Si besoin est, je viendrai témoigner, mais en attendant vous n'avez rien contre moi, hormis le témoignage de la centaine d'invités de la soirée qui vous confirmera mes dires! »

Si ils n'avaient pas fait partis des autorités du Ministère de la Magie, Elena ce serait fait un plaisir de leur donner une leçon. Elle s'en s'abstint, mais son regard furieux n'en disait pas moins. Elle regarda les membres de la Brigade emmener les trois hommes. La jeune femme hésita un instant, puis rejoignit Natunsko dans l'arrière salle. Ils échangèrent quelques mots comme quoi son patron ramènerait les dragons au Parc seul pour les soigner, et après avoir vérifié que les dragons étaient redevenus calmes et dociles, elle embrassa chacun sur le sommet du crâne et retourna dans la salle de bal dévastée. La soirée aurait pu être magnifique... Et avec cela, elle ne serait sans doute jamais payée.
Elena s'approcha du jeune homme qui n'avait pas bougé, tout en passant sa cape épaisse sur ses épaules.
« Ezra? Vous allez bien? »
Elle réalisa soudain les blessures et retient à peine une exclamation.
« Mais vous êtes blessé! vous auriez dû me le dire... » dit-elle en se précipitant vers lui.
La jeune femme s'agenouilla devant lui, saisit son bras et l'examina d'un œil critique. En y regardant de plus près, elle aperçut le bas de sa robe brûlée.
« Je vais devoir vous emmenez chez moi pour vous soigner » et alors qu'elle voyait la bouche d'Ezra s'ouvrir, sans doute pour protester, elle rajouta « et ne me dites pas non, je crois que mes nerfs ne le supporteraient pas... » dit-elle le plus sérieusement du monde « Et puis, je vous dois bien ça. »

Ils parcoururent la Grand Rue en silence, et Elena regrettait déjà. Elle aurait dû l'envoyer se faire soigner chez un guérisseur... D'accord, soigner les blessures de feu de dragons était l'une de ses spécialités, mais que penserait-il quand il verrait où elle habitait? Elle n'y avait pas pensé sur le fait, mais si il était à cette soirée en tant qu'invité, c'était qu'il avait un niveau de vie qui n'avait rien à avoir avec le sien. Elena ne pouvait plus faire marche-arrière, mais elle appréhendait, ce qui l'étonna ; depuis quand en avait-elle quelque chose à faire de ce que les gens pensaient d'elle? Ils s'engagèrent dans la rue peu reluisante de l'endroit où elle vivait. Sur le pas de sa porte, elle préféra le prévenir :
« Mon appartement n'est pas de première jeunesse, j'aime autant vous prévenir... » lâche Elena avait de pousser la porte. La jeune femme lui indiqua le canapé défoncé d'un geste de la main et fila dans sa chambre, enfila un jean, un tee-shirt et un pull avant de filer dans la salle de bain et y prendre le nécessaire pour le soigner.
Elle s'assit sur la table devant lui. Elle ne savait pas exactement pour quelle raison il était aussi silencieux, ou même ne la regardait jamais vraiment. Pas par snobisme, sans quoi il ne l'aurait pas suivi jusqu'ici. Ce serait donc par simple timidité? Elena trouva cela charmant contre toute attente.
« J'aurai besoin que vous enleviez votre robe... »
La vision du torse semblablement très bien battis d'Ezra s'imposa à son esprit et elle reprit précipitamment : « Pour soigner votre bras, je veux dire! »
Elena lui tendit un tee-shirt d'homme qui serait sans doute à sa taille, se leva, cachant par la même occasion ses joues qui se tintaient de rose et se tourna, le temps pour le jeune homme de changer de tenue. Pour Elena, c'était une première de réagir d'une façon pareille devant un homme, certes troublant et très séduisant... Elle s'obligea à songer à autre chose.

Elle entreprit alors de soigner tout d'abord la cheville d'Ezra, le temps pour elle de reprendre un peu ses esprits en s'éloignant le plus possible de lui. Ses gestes étaient précis, répétés mille fois. Les soins en matière de brûlure magique avait tellement bien évolués ces dernières années qu'elle-même ne gardait que très peu de cicatrices.
« Je ne sais pas comment vous remerciez pour votre aide, ce soir. Ces trois dragons sont comme mes bébés »
Puis il lui fallut passer à son bras et elle vint s'asseoir à côté de lui. Elena dut se maîtriser pour ne pas céder à la tentation de le serrer dans ses bras, lui qui était à la fois son sauveur et sa tentation.

Tandis que les hommes de la Brigade Magique avaient fait leur entrée, Ezra observait la scène de sa chaise, n'osant pas intervenir alors qu'il aurait sans doute dû défendre la jeune femme. Mais sans surprise, elle y parvint très bien toute seule – ce qui fit songer à Ezra que, comme il l'avait déjà imaginé, elle avait bien trop de caractère pour s'intéresser à un garçon comme lui, et puis elle semblait bien plus mature, également.
Quoi qu'il en soit, lorsque les policiers demandèrent des comptes, Elena – maintenant qu'il connaissait son prénom il n'avait de hâte que de le prononcer sans cesse dans sa tête dès qu'il le pouvait – répondit que tout était déjà sous contrôle et qu'ils arrivaient trop tard. Le genre de réponse qu'Ezra n'aurait jamais osé faire si c'était à lui que l'on s'était adressé.
C'est alors que deux agents vinrent vers le jeune homme et l'interpellèrent en se moquant ouvertement de lui, remettant sur le tapis cette histoire de mise à l'épreuve pour entrer dans la section des Aurors. Ezra ne répondit rien, acceptant la moquerie sans broncher, mais il releva vivement la tête lorsqu'il entendit Elena prendre la parole et le défendre à sa place.
Elle ordonna aux hommes de se taire, et s'insurgea qu'ils osent se moquer de lui alors qu'il avait empêché le vol d'un dragon et avait sécurisé les invités du bal. Dits comme ça, les évènements semblaient tout à coup beaucoup plus flatteurs qu'il n'aurait jamais osé le penser, et il sentit une légèreté l'atteindre tout entier. Elle venait de le porter aux nues devant tout le monde, tout en en profitant pour les descendre eux, arguant qu'ils étaient au bar d'à côté en train de boire et de draguer.
Ezra se sentit extrêmement reconnaissant, son cœur bondissait à nouveau dans sa poitrine, mais cette fois de peur. Peur qu'elle ne s'intéresse finalement à lui. C'était bien ce qu'il voulait, mais si cela arrivait, il ne serait jamais à la hauteur, il en était certain. Peut-être avait-elle porté son attention sur lui quelques instants, mais aussitôt les policiers partis, elle se rendrait compte qu'il n'était en fin de compte qu'un jeune homme sans courage et sans profondeur. Il n'aurait plus les dragons et les voleurs pour lui fournir l'adrénaline nécessaire et il perdrait ses moyens, il en était certain.

Un autre homme prit la parole et toucha Elena du doigt, disant qu'il serait ravi de s'occuper d'elle, ce qu'elle ne sembla pas du tout apprécier. Ezra n'était-il pas censé intervenir, à ce moment-là, pour se montrer à la hauteur, être un homme et défendre la seule femme de l'assemblée ? Il n'en fit rien, il n'en était pas capable, et une fois de plus, elle n'avait aucun besoin de lui. Elle le menaça donc d'une gifle, puis affirma qu'elle et Ezra leur avaient même apporté les fautifs sur un plateau, ce qui n'était pas faux. Les trois voleurs gisaient contre un mur dans un coin de la grande pièce. Elle leur expliqua – plutôt férocement – qu'elle n'était pour rien dans ce qui s'était passé ce soir, qu'elle en témoignerait s'il le fallait, et que tous les invités pourraient en faire de même également. Elle les congédiait, en quelques sortes. Ezra pressentit qu'à nouveau il aurait dû intervenir, dire que lui aussi pouvait témoigner, qu'il savait exactement ce qui s'était passé puisqu'il était aux premières loges. Mais il se tut.

La Brigade emmena finalement les trois hommes, et Elena disparut dans l'arrière-salle. Ezra n'en fut pas étonné, il ne s'attendait pas à ce qu'elle le remercie ou vienne passer la soirée avec lui... Elle avait d'autres chats à fouetter et puis il ne valait pas vraiment le coup qu'on s'y attarde, elle avait dû s'en rendre compte face à son silence pendant la confrontation avec la police.
Il se leva donc, essaya de ne pas trébucher, et se dirigea doucement vers la sortie. Il était éreinté, il avait mal partout, à présent, et il se sentait extrêmement fatigué. Il était déçu, également, parce qu'il avait eu ce soir une chance d'aborder cette femme splendide et de la connaître un peu mieux, à la place de quoi il n'avait pas levé le petit doigt et l'avait laissée filer. Il y était habitué, cependant, et se résignerait tôt ou tard, comme toujours.

Pourtant, il entendit des pas et une voix l'appela doucement, lui demandant s'il allait bien. Il tourna la tête pour la voir qui mettait sa cape sur ses jolies épaules – celles-là même dont il rêverait ce soir dans son lit, entre autres choses.
Lorsqu'elle constata qu'il était boitillant et que la manche de son bras avait été brûlée, laissant peu d'imagination en ce qui concernait son bras en lui-même, elle s'exclama qu'il était blessé et qu'il aurait dû le dire. Elle se précipita vers lui.
Elle se plaça face à lui et examina son bras avant de remarquer que le bas de sa robe était également brûlé. Elle sortit alors les mots dont il n'aurait jamais osé rêvé : elle voulait l'emmener chez elle pour le soigner. Ce à quoi il s'apprêta à répliquer, voulant décliner l'offre, bien trop gêné pour être sur son territoire, seul, en sa compagnie. Mais elle ne lui laissa pas le temps, lui dit que ses nerfs ne supporteraient pas un non et qu'elle le lui devait bien.
Elle ? Lui devoir quelque chose ? A lui ?? Il n'en croyait pas ses oreilles. Il ne savait tout simplement plus penser ! Et il ne répondit rien... comme toujours...

Ils voyagèrent donc en silence, et Ezra sentit la pression monter à mesure que le temps passait. Il avait la boule au ventre et avait envie de partir en courant, alors qu'il appréciait beaucoup être en sa compagnie. C'était là la contradiction de son caractère face à ses envies. Si seulement il avait pu être comme son cousin, sauter sur la moindre occasion, vivre au jour le jour et profiter de la vie et de ce qu'elle offrait. Dans une situation pareille, il n'aurait pas raté une occasion, justement, d'entreprendre quelque chose avec Elena, et il l'aurait sûrement mise dans son lit. Sans doute sans lendemain. C'était là toute la différence avec Ezra, qui n'avait pas envie que cette aventure ne soit que d'un soir. Il en voulait plus, il voulait quelque chose de sérieux avec une femme, pour se sentir bien tous les jours, aimer et se sentir aimé. Bien sûr, il allait un peu vite en besogne et de toute façon, il n'était pas Seth, et elle ne voulait que le soigner...

Quand ils arrivèrent dans un quartier un peu moins luxueux que celui qu'ils venaient de quitter, il comprit qu'elle ne venait pas du même monde que lui, ce qui le ravit. Jamais il n'avait voulu tomber amoureux d'une femme qui était de son milieu, il le détestait tant ! Voilà qui rendait Elena encore plus charmante à ses yeux.
Quand ils furent sur le pas de la porte de son logement, sûrement, elle prit la parole, comme pour le prévenir. Elle se justifia en disant que son appartement n'était pas de première jeunesse, et elle en semblait presque gênée. Il voulut dire quelque chose mais rien ne sortit, et elle le fit entrer. Elle l'invita à s'asseoir sur le canapé, puis fila. Après quelques instants, elle revint, vêtue différemment, et les mains chargées d'objets pour le soigner. Elle s'assit en face de lui, sur la petite table, et lui demanda d'ôter sa robe... et après un moment de gêne, elle ajouta que c'était pour soigner son bras. Elle lui tendit un t-shirt et s'empressa de se détourner pour lui laisser l'intimité dont il devait avoir besoin.
La gêne de la jeune femme le prit au dépourvu et le surprit. Elle avait semblé si sûre d'elle, tout à l'heure, face à ces hommes de la brigade. Pourquoi en était-il autrement face à lui ?

Intrigué et inquiet, il ôta sa robe et enfila le t-shirt, et exprima par un petit « voilà » qu'elle pouvait revenir à lui. Elle commença par sa cheville, restant comme à distance de lui, le soignant avec douceur et précision, puis passa à son bras en venant à ses côtés, tout en gardant ses réserves. Elle lui dit qu'elle ne savait comment le remercier, que les dragons étaient comme ses bébés, ce qui eut le mérite de faire sourire le jeune homme. Il imaginait mal Elena avec un petit dragon dans les bras, enveloppé dans une couverture rose parée de dentelle et une tétine dans la bouche. Cette image lui arracha un plus grand sourire et il dut se retenir de ne pas rire.
Mais lorsqu'il repensa à la distance dont elle faisait preuve, il reprit tout son sérieux.

« Hum, c'est... euh... inutile de me remercier, je ne faisais que mon devoir... »

*Sombre idiot* pensa-t-il. Il venait précisément de dire qu'il n'avait pas fait ça pour elle. Tout le contraire de la vérité.

« Je... enfin je veux dire... j'ai bien vu qu'ils étaient importants pour vous et euh... de toute façon, quand je vois quelqu'un tenter quelque chose de mal, je ne peux pas m'en empêcher ! »

Il grimaça sous la douleur que lui procura son bras tandis qu'elle le soignait et il porta enfin ses yeux sur elle, l'air gêné, alors qu'elle avait l'air de vouloir être le plus loin possible de lui.

« Je suis désolé, je... est-ce que je sens mauvais peut-être ? Il est possible qu'après la course de tout à l'heure, j'aie transpiré... peut-être que je devrais rentrer et prendre une douche, je ne veux pas vous importuner... »

Il esquissa un geste pour reprendre son bras et se lever, prêt à entendre qu'elle ne pouvait effectivement pas supporter son odeur et qu'elle préférait qu'il rentre chez lui.